Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mai 2020 4 21 /05 /mai /2020 19:33

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (1)

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons commencé un parcours de catéchèses qui suivra le «voyage»: le voyage de l’Evangile raconté par le livre des Actes des apôtres, parce que ce livre fait certainement voir le voyage de l’Evangile, comment l’Evangile est allé au-delà, au-delà... Tout part de la résurrection du Christ. Celle-ci, en effet, n’est pas un événement parmi tant d’autres, mais elle est la source de la vie nouvelle. Les disciples le savent et — obéissants au commandement de Jésus — ils demeurent unis, concordes et persévérants dans la prière. Ils se rassemblent autour de Marie, la Mère, et se préparent à recevoir la puissance de Dieu non pas de façon passive, mais en consolidant la communion entre eux.

Cette première communauté était formée de plus ou moins 120 frères et sœurs, un nombre qui comporte le 12, emblématique pour Israël, parce qu’il représente les douze tribus, et emblématique pour l’Eglise, en raison des douze apôtres choisis par Jésus. Mais à présent, après les douloureux événements de la Passion, les apôtres du Seigneur ne sont plus douze, mais onze. L’un d’eux, Judas, n’est plus là: il s’est donné la mort, écrasé par le remords.

Il avait déjà commencé à se séparer de la communion avec le Seigneur et avec les autres, à agir seul, à s’isoler, à s’attacher à l’argent, en allant jusqu’à instrumentaliser les pauvres, à perdre de vue l’horizon de la gratuité et du don de soi, jusqu’à permettre au virus de l’orgueil d’infecter son esprit et son cœur en le transformant d’«ami» (Mt 26, 50) en ennemi et en «guide des gens qui ont arrêté Jésus» (Ac 1, 17). Judas avait reçu la grande grâce de faire partie du groupe des intimes de Jésus et de participer à son ministère, mais à un certain point, il a voulu «sauver» lui-même sa propre vie avec le résultat de la perdre (cf. Lc 9, 24). Il a cessé d’appartenir avec le cœur à Jésus et s’est placé en dehors de la communion avec Lui et avec les siens. Il a cessé d’être disciple et s’est placé au-dessus du Maître. Il l’a vendu et avec le «salaire de son délit», il a acheté un terrain, qui n’a pas produit de fruit, mais qui a été imprégné de son sang (cf Ac 1, 18-19).

Si Judas a préféré la mort à la vie (cf. Dt 30, 19; Si 15, 17) et a suivi l’exemple des impies dont la vie est comme l’obscurité et va à sa perte (cf. Pr 4, 19; Ps 1, 6), les Onze suivent en revanche la vie, la bénédiction, deviennent responsables en la faisant confluer à leur tour dans l’histoire, de génération en génération, du peuple d’Israël à l’Eglise.

L’évangéliste Luc nous fait voir que face à l’abandon de l’un des Douze, qui a créé une blessure au corps communautaire, il est nécessaire que sa charge passe à un autre. Et qui pourrait l’assumer? Pierre indique la condition: le nouveau membre doit être un disciple de Jésus depuis le début, c’est-à-dire depuis le baptême dans le Jourdain, jusqu’à la fin, c’est-à-dire à l’ascension au Ciel (cf. Ac 1, 21-22). Il faut reconstituer le groupe des Douze. C’est à ce moment que s’inaugure la pratique du discernement communautaire, qui consiste à voir la réalité avec les yeux de Dieu, dans l’optique de l’unité et de la communion.

Il y a deux candidats: Joseph Barsabbas et Matthias. Alors, toute la communauté prie ainsi: «Toi, Seigneur, qui connais tous les cœurs, désigne lequel des deux tu as choisi pour qu’il prenne [...] la place que Judas a désertée» (Ac 1, 24-25). Et le sort veut que le Seigneur indique Matthias, qui est associé aux Onze. Ainsi se reconstitue le corps des Douze, signe de la communion, et la communion l’emporte sur les divisions, sur l’isolement, sur la mentalité qui absolutise l’espace du privé, signe que la communion est le premier témoignage que les apôtres offrent. Jésus l’avait dit: «A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres» (Jn 13, 35).

Les Douze manifestent dans les Actes des apôtres le style du Seigneur. Ce sont les témoins accrédités de l’œuvre de salut du Christ et ils ne manifestent pas au monde leur présumée perfection mais, à travers la grâce de l’unité, ils font ressortir un Autre qui vit désormais de façon nouvelle au milieu de son peuple. Et qui est celui-ci? C’est le Seigneur Jésus. Les apôtres choisissent de vivre sous la seigneurie du Ressuscité dans l’unité entre les frères, qui devient l’unique atmosphère possible de l’authentique don de soi.

Nous aussi, nous avons besoin de redécouvrir la beauté de témoigner du Ressuscité, en sortant des attitudes auto-référentielles, en renonçant à retenir les dons de Dieu et en ne cédant pas à la médiocrité. La réunification du collège apostolique montre que dans l’adn de la communauté chrétienne, il y a l’unité et la liberté de soi, qui permettent de ne pas craindre la diversité, de ne pas s’attacher aux choses et aux dons et de devenir martyres, c’est-à-dire témoins lumineux du Dieu vivant et œuvrant dans l’histoire.

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (2)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Cinquante jours après la Pâque, dans ce cénacle qui est désormais leur maison et où la présence de Marie, Mère du Seigneur, est l’élément de cohésion, les apôtres vivent un événement qui dépasse leurs attentes. Réunis en prière — la prière est le «poumon» qui donne souffle aux disciples de tous les temps; sans prière on ne peut pas être disciple de Jésus; sans prière nous ne pouvons pas être chrétiens! C’est l’air, c’est le poumon de la vie chrétienne —, ils sont surpris par l’irruption de Dieu. Il s’agit d’une irruption qui ne tolère pas la fermeture: elle ouvre les portes à travers la force d’un vent qui rappelle la ruah, le souffle primordial, et elle accomplit la promesse de la «force» faite par le Ressuscité avant son congé (cf. Ac 1, 8). Elle arrive à l’improviste, d’en-haut, «un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent: toute la maison où ils se tenaient en fut remplie» (Ac 2, 2).

Au vent s’ajoute ensuite le feu qui rappelle le buisson ardent et le Sinaï avec le don des dix paroles (cf. Ex 19, 16-19). Dans la tradition biblique, le feu accompagne la manifestation de Dieu. Dans le feu, Dieu remet sa parole vivante et énergique (cf. He 4, 12) qui ouvre à l’avenir; le feu exprime symboliquement son œuvre de réchauffer, d’illuminer et de sonder les cœurs, son soin à éprouver la résistance des œuvres humaines, à les purifier et à les revitaliser. Alors qu’au Sinaï on entend la voix de Dieu, à Jérusalem, pendant la fête de Pentecôte, c’est Pierre qui parle, le roc sur lequel le Christ a choisi d’édifier son Eglise. Sa parole, faible et même capable de renier le Seigneur, traversée par le feu de l’Esprit acquiert force, devient capable de transpercer les cœurs et d’inciter à la conversion. En effet, Dieu choisit ce qui est faible dans le monde pour confondre les forts (cf. 1 Co 1, 27).

L’Eglise naît donc du feu de l’amour et d’un «incendie» qui éclate à la Pentecôte et qui manifeste la force de la Parole du Ressuscité imprégnée d’Esprit Saint. L’Alliance nouvelle et définitive est fondée non plus sur une loi écrite sur des tables de pierre, mais sur l’action de l’Esprit de Dieu qui fait toutes choses nouvelles et qui se grave dans des cœurs de chair.

La parole des apôtres s’imprègne de l’Esprit du Ressuscité et devient une parole nouvelle, différente, que l’on peut cependant comprendre, presque comme si elle avait été traduite simultanément dans toutes les langues: en effet, «chacun d’eux les entendait parler sa propre langue» (Ac 2, 6). Il s’agit du langage de la vérité et de l’amour, qui est la langue universelle: même les analphabètes peuvent la comprendre. Tout le monde comprend le langage de la vérité et de l’amour. Si tu vas avec la vérité de ton cœur, avec la sincérité, et que tu vas avec amour, tous te comprendront. Même si tu ne peux pas parler, mais avec une caresse véritable et aimante.

L’Esprit Saint ne se manifeste pas seulement à travers une symphonie de sons qui unit et qui compose de manière harmonieuse les diversités, mais il se présente comme le chef d’orchestre qui fait jouer les partitions des louanges pour les «grandes œuvres» de Dieu. L’Esprit Saint est l’artisan de la communion, il est l’artiste de la réconciliation qui sait ôter les barrières entre juifs et grecs, entre esclaves et hommes libres, pour en faire un seul corps. Il édifie la communauté des croyants en harmonisant l’unité du corps et la multiplicité des membres. Il fait grandir l’Eglise en l’aidant à aller au-delà des limites humaines, des péchés et de tout scandale.

L’émerveillement est grand, et certains se demandent si ces hommes sont ivres. Alors Pierre intervient au nom de tous les apôtres et relit cet événement à la lumière de Joël 3, où l’on annonce une nouvelle effusion de l’Esprit Saint. Les disciples de Jésus ne sont pas ivres, mais ils vivent ce que saint Ambroise définit comme «la sobre ivresse de l’Esprit», qui allume la prophétie ai sein du peuple de Dieu, à travers des songes et des visions. Ce don prophétique n’est pas réservé seulement à certains, mais à tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur.

Dorénavant, à partir de ce moment, l’Esprit de Dieu incite les cœurs à accueillir le salut qui passe à travers une Personne, Jésus Christ, Celui que les hommes ont cloué au bois de la croix et que Dieu a ressuscité d’entre les morts «en mettant fin aux douleurs de la mort» (Ac 2, 24). C’est Lui qui a répandu cet Esprit qui orchestre la polyphonie de louanges et que tous peuvent écouter. Comme le disait Benoît XVI, «la Pentecôte est cela: Jésus, et à travers Lui Dieu, vient à nous et nous attire en lui» (Homélie, 3 juin 2006). L’Esprit accomplit l’attraction divine: Dieu nous séduit par son Amour et ainsi il nous entraîne, pour faire avancer l’histoire et lancer des processus à travers lesquels filtre la vie nouvelle. En effet, seul l’Esprit de Dieu a le pouvoir d’humaniser et de fraterniser chaque contexte, à partir de ceux qui l’accueillent.

Demandons au Seigneur de nous faire expérimenter une nouvelle Pentecôte, qui élargisse nos cœurs et harmonise nos sentiments avec ceux du Christ, de sorte que nous annoncions sans honte sa parole transformatrice et que nous témoignions de la puissance de l’amour qui rappelle à la vie tout ce qu’il rencontre.

 

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (3)

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

La Pentecôte, la puissante effusion de l’Esprit de Dieu sur la première communauté chrétienne, eut pour fruit que de nombreuses personnes sentirent leur cœur transpercé par la joyeuse annonce — le kérygme — du salut en Christ et adhérèrent à Lui librement, se convertissant, recevant le baptême en son nom et accueillant à leur tour le don de l’Esprit Saint. Environ trois mille personnes entrent dans cette fraternité qui est l’habitat des croyants et le ferment ecclésial de l’œuvre d’évangélisation. La chaleur de la foi de ces frères et sœurs en Christ fait de leur vie le cadre de l’œuvre de Dieu qui se manifeste par des prodiges et des signes avec l’aide des apôtres. L’extraordinaire devient ordinaire et la vie quotidienne devient le lieu de la manifestation du Christ vivant.

L’évangéliste Luc nous le raconte en nous montrant l’Eglise de Jérusalem comme le paradigme de toute communauté chrétienne, comme l’icône d’une fraternité qui fascine et qui ne doit être ni idéalisée ni minimisée. Le récit des Actes nous permet de regarder entre les murs de la domus où les premiers chrétiens se recueillent comme famille de Dieu, lieu de la koinonia, c’est-à-dire de la communion d’amour entre frères et sœurs en Christ. En regardant à l’intérieur, on peut voir qu’ils vivent d’une manière bien précise: ils sont «assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières» (Ac 2, 42). Les chrétiens écoutent assidûment la didaché c’est-à-dire l’enseignement apostolique; ils pratiquent une autre qualité de relations interpersonnelles (également à travers la communion des biens spirituels et matériels); ils font mémoire du Seigneur à travers la «fraction du pain», c’est-à-dire l’Eucharistie, et dialoguent avec Dieu dans la prière. Ce sont les attitudes du chrétien, les quatre traces d’un bon chrétien.

A l’inverse de la société humaine, où l’on a tendance à suivre ses propres intérêts, indépendamment ou même aux détriments des autres, la communauté des croyants bannit l’individualisme pour favoriser le partage et la solidarité. Il n’y a pas de place pour l’égoïsme dans l’âme d’un chrétien: si ton cœur est égoïste, tu n’es pas un chrétien, tu es un mondain, qui cherche seulement ton bénéfice, ton profit. Et Luc nous dit que les croyants sont ensemble (cf. Ac 2, 44). La proximité et l’unité sont le style des croyants: proches, préoccupés l’un pour l’autre, non pour médire de l’autre, non, pour aider, pour se rapprocher.

La grâce du baptême révèle donc le lien intime entre les frères dans le Christ qui sont appelés à partager, à s’identifier aux autres et à donner «en fonction des besoins de chacun» (Ac 2, 45), c’est-à-dire la générosité, l’aumône, la préoccupation pour l’autre, les visites aux malades, à ceux qui sont dans le besoin, qui ont besoin de consolation.

Et cette fraternité, précisément parce qu’elle choisit la voie de la communion et de l’attention aux pauvres, cette fraternité qu’est l’Eglise peut vivre une vie liturgique vraie et authentique. Luc dit ainsi: «Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier» (Ac 2, 46-47).

Enfin, le récit des Actes nous rappelle que le Seigneur garantit la croissance de la communauté (cf. 2, 47): la persévérance des croyants dans l’alliance sincère avec Dieu et avec leurs frères devient une force d’attraction qui séduit et conquiert de nombreuses personnes (cf. Evangelii gaudium, n. 14), un principe grâce auquel vit la communauté croyante de tout temps.

Prions l’Esprit Saint pour qu’il fasse de nos communautés des lieux où accueillir et pratiquer la vie nouvelle, les œuvres de solidarité et de communion, des lieux où les liturgies soient une rencontre avec Dieu, qui devient communion avec les frères et les sœurs, des lieux qui soient des portes ouvertes sur la Jérusalem céleste.

 

 

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (4)

 

 

Chers frères et sœurs bonjour!

Dans les Actes des apôtres, la prédication de l’Evangile ne repose pas seulement sur les mots, mais également sur des actions concrètes qui témoignent de la vérité de l’annonce. Il s’agit de «prodiges et de signes» (Ac 2, 43) qui ont lieu grâce à l’œuvre des apôtres, confirmant leur parole et démontrant qu’ils agissent au nom du Christ. Il arrive ainsi que les apôtres intercèdent et que le Christ opère, agissant «avec eux» et confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnent (Mc 16, 20). Tant de signes, tant de miracles qu’ont accomplis les apôtres étaient précisément une manifestation de la divinité de Jésus.

Nous nous trouvons aujourd’hui face au premier récit de guérison, face à un miracle, qui est le premier récit de guérison du Livre des Actes. Celui-ci a une finalité missionnaire évidente, qui vise à susciter la foi. Pierre et Jean vont prier au Temple, centre de l’expérience de foi d’Israël, auquel les premiers chrétiens sont encore fortement liés. Les premiers chrétiens priaient dans le Temple à Jérusalem. Luc enregistre l’heure: c’est la neuvième heure, c’est-à-dire trois heures de l’après-midi, quand le sacrifice était offert en holocauste comme signe de la communion du peuple avec son Dieu; et également l’heure où le Christ est mort en s’offrant lui-même «une fois pour toutes» (He 9, 12; 10, 10). Et à la porte du Temple appelée «Belle» — la Belle Porte —, ils voient un mendiant, un homme paralysé depuis la naissance. Pourquoi cet homme était-il à la porte? Parce que la Loi mosaïque (cf. Lv 21, 18) empêchait ceux qui avaient des handicaps physiques, considérés comme la conséquence d’une faute quelconque, d’offrir des sacrifices. Rappelons que, face à un aveugle de naissance, le peuple avait demandé à Jésus: «Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle?» (Jn 9, 2). Selon cette mentalité, il y a toujours une faute à l’origine d’une malformation. Et ensuite, l’accès au temple leur avait même été refusé. L’estropié, paradigme des nombreux exclus et marginalisés, est là, en train de demander l’aumône, comme chaque jour. Il ne pouvait pas entrer, mais il était à la porte. Lorsque quelque chose d’imprévu se produit: Pierre et Jean arrivent et un jeu de regards s’amorce. L’estropié les regarde tous les deux pour demander l’aumône, les apôtres en revanche le fixent, l’invitant à regarder vers eux de manière différente, pour recevoir un autre don. L’estropié les regarde et Pierre lui dit: «De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne: au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche!» (Ac 3, 6). Les apôtres ont établi une relation, car c’est la manière selon laquelle Dieu aime se manifester, dans la relation, toujours dans le dialogue, toujours dans les apparitions, toujours selon l’inspiration du cœur: ce sont les relations de Dieu avec nous; à travers une rencontre réelle entre les personnes, qui ne peut se produire que dans l’amour.

Le Temple était non seulement le centre religieux, mais aussi un lieu d’échanges économiques et financiers: les prophètes et également Jésus s’étaient plusieurs fois dressés contre cette transformation (cfr. Lc 19, 45-46). Combien de fois je pense à cela quand je vois une paroisse où l’on considère que l’argent est plus important que les sacrements! S’il vous plaît! L’Eglise pauvre: demandons cela au Seigneur. Ce mendiant, en rencontrant les apôtres, ne trouve pas d’argent, mais il trouve le Nom qui sauve l’homme: Jésus Christ le Nazaréen. Pierre invoque le nom de Jésus, il ordonne au paralytique de se mettre debout, dans la position des vivants: debout, et il touche ce malade, c’est-à-dire qu’il le prend par la main et le relève, un geste dans lequel saint Jean Chrysostome voit «une image de la résurrection» (Homélie sur les Actes des apôtres, 8). Et c’est là qu’apparaît le visage de l’Eglise, qui voit celui qui est en difficulté, qui ne ferme pas les yeux, qui sait regarder l’humanité en face pour créer des relations significatives, des ponts d’amitié et de solidarité à la place des barrières. Le visage d’«une Eglise sans frontières qui se sent mère de tous» (Evangelii gaudium, n. 210) apparaît, qui sait prendre par la main et accompagner pour relever — non pour condamner. Jésus tend toujours la main, il cherche toujours à relever, à faire en sorte que les gens guérissent, qu’ils soient heureux, qu’ils rencontrent Dieu. Il s’agit de l’«art de l’accompagnement» qui se caractérise par la délicatesse avec laquelle on s’approche de la «terre sacrée de l’autre», en donnant au chemin «le rythme salutaire de la proximité, avec un regard respectueux et plein de compassion mais qui en même temps guérit, libère et encourage à mûrir dans la vie chrétienne» (ibid., n. 169). Et c’est ce que font ces deux apôtres avec l’estropié: ils le regardent, ils disent «regarde-nous», ils lui tendent la main, il le font se lever et le guérissent. Jésus fait de même avec nous tous. Pensons à cela quand nous traversons de mauvais moments, des moments de péché, des moments de tristesse. Il y a Jésus qui nous dit: «Regarde-moi: je suis ici!». Prenons la main de Jésus et laissons-nous relever.

Pierre et Jean nous enseignent à ne pas placer notre confiance dans les moyens, même s’ils sont utiles, mais dans la vraie richesse qu’est la relation avec le Ressuscité. Nous sommes en effet — comme dirait saint Paul — tenus «pour pauvres, nous qui faisons tant de riches; pour gens qui n’ont rien, nous qui possédons tout» (2 Co 6, 10). Notre tout est l’Evangile, qui manifeste la puissance du nom de Jésus et qui accomplit des prodiges.

Et nous — chacun de nous —, que possédons-nous? Quelle est notre richesse, quel est notre trésor? Avec quoi pouvons-nous rendre les autres riches? Demandons au Père le don d’une mémoire reconnaissante en rappelant les bienfaits de son amour dans notre vie, pour donner à tous le témoignage de la louange et de la reconnaissance. N’oublions pas: avoir toujours la main tendue pour aider l’autre à se lever; c’est la main de Jésus qui, à travers notre main, aide les autres à se lever.

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (5)

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

La communauté chrétienne naît de l’effusion surabondante de l’Esprit Saint et croît grâce au ferment du partage entre frères et sœurs dans le Christ. Il existe un dynamisme de solidarité qui édifie l’Eglise en tant que famille de Dieu, où l’expérience de la koinonia est centrale. Que veut dire ce mot étrange? C’est un mot grec qui signifie «mettre en communion», «mettre en commun», être comme une communauté, pas isolés. C’est l’expérience de la première communauté chrétienne, c’est-à-dire mettre en commun, «partager», «communiquer, participer», ne pas s’isoler. Dans l’Eglise des origines, cette koinonia, cette communauté se réfère avant tout à la participation au Corps et au Sang du Christ. Pour cette raison, quand nous faisons la communion nous disons «nous nous communiquons», nous entrons en communion avec Jésus et de cette communion avec Jésus nous arrivons à la communion avec nos frères et sœurs. Et cette communion avec le Corps et le Sang du Christ qui se fait dans la Messe se traduit en union fraternelle, et donc également par ce qui est plus difficile pour nous: mettre en commun les biens et recueillir de l’argent pour la collecte en faveur de l’Eglise Mère de Jérusalem (cf. Rm 12, 13; 2 Co 8–9) et des autres Eglises. Si vous voulez savoir si vous êtes de bons chrétiens, vous devez prier, essayer de vous approcher de la communion, du sacrement de la réconciliation. Mais ce signal que ton cœur s’est converti, c’est quand la conversion arrive aux poches, combien elle touche ton propre intérêt: c’est là que l’on voit si l’on est généreux avec les autres, si l’on aide les plus faibles, les plus pauvres: Quand la conversion arrive là, soyez certains qu’il s’agit d’une vraie conversion. Si elle ne reste que dans les mots, ce n’est pas une bonne conversion.

La vie eucharistique, les prières, la prédication des apôtres et l’expérience de la communion (cf. Ac 2, 42) font des croyants une multitude de personnes qui ont — dit le Livre des Actes des apôtres — ont «un seul cœur et une seule âme» et qui ne considèrent pas ce qu’ils possèdent comme leur propriété, mais mettent tout en commun (cf. Ac 4, 32). Il s’agit d’un modèle de vie si fort, qui nous aide à être généreux et pas avares. Pour cette raison, «nul n’était dans le besoin; car tous ceux qui possédaient — dit le Livre — des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait alors à chacun suivant ses besoins» (Ac 4, 34-35). L’Eglise a toujours eu ce geste des chrétiens qui se dépouillaient des choses qu’ils avaient en plus, des choses qui n’étaient pas nécessaires pour les donner à ceux qui avaient besoin. Et pas seulement de l’argent: également du temps. Combien de chrétiens — vous, par exemple, ici en Italie — combien de chrétiens font du bénévolat! Mais cela est très beau! C’est une communion, partager mon temps avec les autres, pour aider ceux qui en ont besoin. C’est cela, le bénévolat, les œuvres de charité, les visites aux malades; il faut toujours partager avec les autres, et ne pas chercher seulement son propre intérêt.

La communauté, ou koinonia, devient de cette façon le nouveau type de relation entre les disciples du Seigneur. Les chrétiens font l’expérience d’une nouvelle modalité d’être entre eux, de se comporter. Et c’est la modalité proprement chrétienne, au point que les païens regardaient les chrétiens et disaient: «Regardez comme ils s’aiment!». L’amour était la modalité. Mais pas un amour en paroles, pas un amour feint: l’amour des œuvres, s’aider les uns les autres, l’amour concret, le caractère concret de l’amour. Le lien avec le Christ instaure un lien entre frères qui converge et s’exprime également dans la communion des biens matériels. Oui, cette modalité d’être ensemble, cet amour de cette façon arrive jusqu’aux poches, arrive à se dépouiller également de l’obstacle de l’argent pour le donner aux autres, en allant contre son propre intérêt. Etre membres du corps de Christ rend les croyants coresponsables les uns des autres. Etre croyants en Jésus nous rend tous coresponsables les uns des autres. «Mais regarde celui-ci, le problème qu’il a: cela ne m’intéresse pas, ça le regarde». Non, parmi les chrétiens, nous ne pouvons pas dire: «Le pauvre, il a un problème à la maison, il traverse cette difficulté familiale». Mais moi, je dois prier, je l’emporte avec moi, je ne suis pas indifférent». C’est cela être chrétien. C’est pourquoi les forts soutiennent les faibles (cf. Rm 15, 1) et personne ne fait l’expérience de l’indigence qui humilie et défigure la dignité humaine, car ils vivent cette communauté: avoir le cœur en commun. Ils s’aiment. C’est le signal: l’amour concret.

Jacques, Pierre et Jean, qui sont les trois apôtres comme les «piliers» de l’Eglise de Jérusalem, établissent dans la communion que Paul et Barnabé évangélisent les païens tandis qu’eux évangéliseront les juifs, et demandent seulement, à Paul et Barnabé, quelle est la condition: ne pas oublier les pauvres, rappeler les pauvres (cf. Ga 2, 9-10). Non seulement les pauvres matériels, mais aussi les pauvres spirituels, les gens qui ont des problèmes et ont besoin de notre proximité. Un chrétien part toujours de lui-même, de son propre cœur, et s’approche des autres comme Jésus s’est approché de nous. Telle est la première communauté chrétienne.

Un exemple concret de partage et de communion des biens nous vient du témoignage de Barnabé: il possède un champ et le vend pour en verser le produit aux apôtres (cf. Ac 4, 36-37). Mais à côté de son exemple positif, en apparaît un autre, tristement négatif: Ananie et sa femme Saphire, ayant vendu un terrain, décident de n’en remettre qu’une partie aux apôtres et de garder l’autre pour eux (cf. Ac 5, 1-2). Cette tromperie interrompt la chaîne du partage gratuit, le partage serein et désintéressé et les conséquences sont tragiques, fatales (Ac 5, 5.10). L’apôtre Pierre démasque l’attitude incorrecte d’Ananie et de sa femme et lui dit: «Pourquoi satan a-t-il rempli ton cœur, que tu mentes à l’Esprit Saint et détournes une partie du prix du champ? [...] Ce n’est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu» (Ac 5, 3-4). Nous pourrions dire qu’Ananie a menti à Dieu à cause d’une conscience isolée, d’une conscience hypocrite, c’est-à-dire à cause d’une appartenance ecclésiale «négociée», partiale et opportuniste. L’hypocrisie est le pire ennemi de cette communauté chrétienne, de cet amour chrétien: faire semblant de s’aimer mais ne rechercher que son propre intérêt.

Manquer de sincérité dans le partage, en effet, ou manquer de sincérité dans l’amour, signifie cultiver l’hypocrisie, s’éloigner de la vérité, devenir égoïstes, éteindre le feu de la communion et se destiner au gel de la mort intérieure. Celui qui se comporte de cette façon traverse l’Eglise en touriste. Il y a beaucoup de touristes dans l’Eglise qui sont toujours de passage, mais n’entrent jamais dans l’Eglise: c’est le tourisme spirituel qui leur fait croire qu’ils sont chrétiens, alors qu’ils ne sont que des touristes de catacombes. Non, nous ne devons pas être des touristes dans l’Eglise, mais frères les uns des autres. Une vie fondée uniquement sur le fait de tirer profit et avantage des situations au détriment des autres, provoque inévitablement la mort intérieure. Et combien de personnes se disent proches de l’Eglise, amis des prêtres, des évêques, alors qu’elles ne cherchent que leur propre intérêt. Voilà les hypocrisies qui détruisent l’Eglise!

Que le Seigneur — je le demande pour nous tous — répande sur nous son Esprit de tendresse, qui surmonte toute hypocrisie et met en circulation cette vérité qui nourrit la solidarité chrétienne, qui, loin d’être une activité d’assistance sociale, est l’expression incontournable de la nature de l’Eglise, mère très tendre de tous, en particulier des plus pauvres.

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (6)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

La communauté ecclésiale décrite dans le Livre des Actes des apôtres vit d’une grande richesse que le Seigneur met à disposition — le Seigneur est généreux! —, fait l’expérience d’une croissance en nombre et d’un grand ferment, malgré les attaques extérieures. Pour nous montrer cette vitalité, Luc, dans le Livre des Actes des apôtres, nous indique également des lieux significatifs, comme par exemple le portique de Salomon (cf. Ac 5, 12), point de rencontre pour les croyants. Le portique (stoà) est une galerie ouverte qui sert d’abri, mais également de lieu de rencontre et de témoignage. En effet, Luc insiste sur les signes et sur les prodiges qui accompagnent la parole des apôtres et sur le soin particulier des malades auxquels ils se consacrent.

Dans le chapitre 5 des Actes, l’Eglise naissante se montre comme un «hôpital de campagne», qui accueille les personnes les plus faibles, c’est-à-dire les malades. Leur souffrance attire les apôtres, qui ne possèdent «ni argent, ni or» (cf. Ac 3, 6) — c’est ce que dit Pierre à l’infirme — mais ils sont forts du nom de Jésus. A leurs yeux, comme aux yeux des chrétiens de tout temps, les malades sont les destinataires privilégiés de la bonne nouvelle du Royaume, ils sont des frères en qui le Christ est présent de façon particulière, pour se laisser chercher et trouver par nous tous (cf. Mt 25, 36.40). Les malades sont des privilégiés pour l’Eglise, pour le cœur sacerdotal, pour tous les fidèles. Ils ne doivent pas être écartés, au contraire. Il faut les soigner, prendre soin d’eux. Ils sont l’objet de la préoccupation chrétienne.

Parmi les apôtres ressort Pierre, qui domine le groupe apostolique en raison du primat (cf. Mt 16, 18) et de la mission qu’il a reçus du Ressuscité (cf. Jn 21, 15-17). C’est lui qui inaugure la prédication du kérygme le jour de la Pentecôte (cf. Ac 2, 14-41) et qui, lors du concile de Jérusalem, accomplira une fonction de direction (cf. Ac 15 et Ga 2, 1-10).

Pierre s’approche des civières et passe parmi les malades, comme l’avait fait Jésus, en prenant sur lui les infirmités et les maladies (cf. Mt 8, 17; Is 53, 4). Et Pierre, le pécheur de Galilée, passe, mais laisse que ce soit un Autre qui se manifeste: que ce soit le Christ vivant et agissant! En effet, le témoin est celui qui manifeste le Christ, tant par les paroles que par la présence corporelle, qui lui permet d’établir des relations et d’être le prolongement du Verbe fait chair dans l’histoire.

Pierre est celui qui accomplit les œuvres du Maître (cf. Jn 14, 12): en le regardant avec foi, on voit le Christ lui-même. Empli de l’Esprit de son Seigneur, Pierre passe et, sans qu’il ne fasse rien, son ombre devient «caresse», guérissante, communicatrice de santé, effusion de la tendresse du Ressuscité qui se penche sur les malades et redonne la vie, le salut, la dignité. De cette façon, Dieu manifeste sa proximité et fait des plaies de ses enfants «le lieu théologique de sa tendresse» (Méditation du matin, Sainte-Marthe, 14 décembre 2017). Dans les plaies des malades, dans les maladies qui empêchent d’aller de l’avant dans la vie, il y a toujours la présence de Jésus, la plaie de Jésus. Il y a Jésus qui appelle chacun de nous à prendre soin d’eux, à les soutenir, à les guérir.

L’action guérissante de Pierre suscite la haine et l’envie des sadducéens, qui emprisonnent les apôtres et, stupéfaits par leur mystérieuse libération, leur interdisent d’enseigner. Ces gens voyaient les miracles que faisaient les apôtres non par magie, mais au nom de Jésus; mais ils ne voulaient pas l’accepter et les mettent en prison, ils les battent. Ils ont ensuite été libérés miraculeusement, mais le cœur des sadducéens était si dur qu’ils ne voulaient pas croire ce qu’ils voyaient. Alors, Pierre répond en leur offrant une clé de la vie chrétienne: «Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» (Ac 5, 29); parce que eux — les sadducéens — disent: «Vous ne devez pas continuer ces choses, vous ne devez pas guérir» — «J’obéis à Dieu avant d’obéir aux hommes»: telle est la grande réponse chrétienne. Cela signifie écouter Dieu sans réserve, sans renvoi, sans calcul; adhérer à Lui pour être en mesure d’établir une alliance avec Lui et avec ceux que nous rencontrons sur notre chemin.

Demandons nous aussi à l’Esprit Saint la force de ne pas avoir peur devant qui nous ordonne de nous taire, nous insulte ou va jusqu’à attenter à notre vie. Demandons-lui de nous renforcer intérieurement pour être sûrs de la présence aimante et réconfortante du Seigneur à nos côtés.

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (7)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons la catéchèse sur les Actes des apôtres. Devant l’interdiction des juifs d’enseigner au nom du Christ, Pierre et les apôtres répondent avec courage qu’ils ne peuvent pas obéir à qui veut arrêter le voyage de l’Evangile dans le monde.

Les Douze montrent ainsi posséder cette «obéissance de la foi» qu’ils voudront ensuite susciter chez tous les hommes (cf. Rm 1, 5). A partir de la Pentecôte, en effet, ce ne sont plus des hommes «seuls». Ils font l’expérience de cette synergie particulière qui les fait se décentrer d’eux-mêmes, et qui leur fait dire: «Nous et l’Esprit Saint» (Ac 5, 32) ou «l’Esprit Saint et nous» (Ac 15, 28). Ils sentent qu’ils ne peuvent pas dire «je» seuls, ce sont des hommes décentrés d’eux-mêmes. Forts de cette alliance, les apôtres ne se laissent intimider par personne. Nous pensons qu’ils étaient lâches: tous se sont enfuis, ils ont tous fui quand Jésus fut arrêté. Mais de lâches, ils sont devenus courageux. Pourquoi? Parce que c’était l’Esprit Saint qui était avec eux. Il en est de même pour nous: si nous avons l’Esprit Saint en nous, nous aurons le courage d’aller de l’avant, le courage de remporter de nombreuses victoires, pas grâce à nous, mais grâce à l’Esprit qui est en nous. Ils ne reculent pas dans leur marche de témoins intrépides de Jésus Ressuscité, comme les martyrs de tous les temps, y compris les nôtres. Les martyrs donnent la vie, ils ne cachent pas le fait d’être chrétiens. Rappelons-nous, il y a quelques années — aujourd’hui aussi, il y en a beaucoup — mais rappelons-nous, il y a quatre ans, de ces coptes orthodoxes chrétiens, de vrais travailleurs, sur la plage de la Libye: tous ont été égorgés. Mais le dernier mot qu’ils ont dit a été: «Jésus, Jésus». Ils n’avaient pas trahi la foi, parce que l’Esprit Saint était avec eux. Ce sont les martyrs d’aujourd’hui! Les apôtres sont les «mégaphones» de l’Esprit Saint, envoyés par le Ressuscité pour diffuser avec rapidité et sans hésitation la Parole qui apporte le salut.

Et cette détermination fait véritablement trembler le «système religieux» judaïque, qui se sent menacé et répond avec violence et par des condamnations à mort. La persécution des chrétiens est toujours la même: les personnes qui ne veulent pas le christianisme se sentent menacées et ainsi, elles donnent la mort aux chrétiens. Mais, au sein du sanhédrin, s’élève la voix différente d’un pharisien qui choisit de calmer la réaction des siens: il s’appelait Gamaliel, un homme prudent, «un docteur de la Loi respecté de tout le peuple». A son école, saint Paul apprit à observer «la Loi des pères» (cf. Ac 22, 3). Gamaliel prend la parole et montre à ses frères comment exercer l’art du discernement face à des situations qui dépassent les schémas habituels.

Il démontre, en citant certains personnages qui s’étaient fait passer pour le Messie, que tout projet humain peut recueillir tout d’abord des consensus, puis échouer, tandis que tout ce qui vient d’en haut et porte la «signature» de Dieu est destiné à durer. Les projets humains échouent toujours; ils ne durent qu’un temps, comme nous. Pensez à de nombreux projets politiques et à la façon dont ils changent, d’un côté à l’autre, dans tous les pays. Pensez aux grands empires; pensez aux dictatures du siècle dernier: elles se sentaient très puissantes, elles pensaient dominer le monde. Et elles se sont toutes écroulées. Pensez également aujourd’hui, aux empires d’aujourd’hui: ils s’écrouleront, si Dieu n’est pas avec eux, parce que la force que les hommes ont en eux-mêmes ne dure pas. Seule la force de Dieu dure. Pensons à l’histoire des chrétiens, et aussi à l’histoire de l’Eglise, avec de nombreux péchés, avec de nombreux scandales, avec tant de choses laides au cours ces deux millénaires. Et pourquoi ne s’est-elle pas écroulée? Parce que Dieu est là. Nous sommes pécheurs, et souvent, nous sommes cause de scandale. Mais Dieu est avec nous. Et Dieu nous sauve d’abord nous, puis eux; mais le Seigneur sauve toujours. La force est «Dieu avec nous». Gamaliel démontre, en citant certains personnages qui s’étaient fait passer pour le Messie, que chaque projet humain peut recueillir d’abord les consensus, puis échouer. C’est pourquoi Gamaliel conclut que, si les disciples de Jésus de Nazareth ont cru à un imposteur, ils sont destinés à disparaître dans le néant; si, en revanche, ils suivent quelqu’un qui vient de Dieu, il est préférable de renoncer à les combattre; et il avertit: «Ne risquez pas de vous trouver en guerre contre Dieu» (Ac 5, 39). Il nous enseigne à exercer ce discernement.

Ce sont des paroles posées et clairvoyantes, qui permettent de voir l’événement chrétien sous une nouvelle lumière et offrent des critères qui «ont la saveur de l’Evangile», parce qu’elles invitent à reconnaître l’arbre à ses fruits (cf. Mt 7, 16). Elles touchent les cœurs et obtiennent l’effet espéré: les autres membres du Sanhédrin suivent son avis et renoncent à leurs intentions de mort, c’est-à-dire de tuer les apôtres.

Demandons à l’Esprit Saint d’agir en nous afin que, tant sur le plan personnel que communautaire, nous puissions acquérir l’habitus du discernement. Demandons-lui de savoir voir toujours l’unité de l’histoire du salut à travers les signes du passage de Dieu à notre époque et sur les visages de ceux qui sont proches de nous, afin que nous apprenions que le temps et les visages humains sont messagers du Dieu vivant.

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (8)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

A travers le livre des Actes des apôtres, nous continuons à suivre un voyage: le voyage de l’Evangile dans le monde. Saint Luc montre avec un grand réalisme la fécondité de ce voyage, ainsi que l’apparition de certains problèmes au sein de la communauté chrétienne. Dès le début, il y a eu des problèmes. Comment harmoniser les différences qui coexistent en son sein sans que ne se produisent des affrontements et des fractures?

La communauté n’accueillait pas seulement les juifs, mais aussi les Grecs, c’est-à-dire des personnes provenant de la diaspora, pas des juifs, avec leur propre culture et sensibilité et ayant une autre religion. Aujourd’hui, nous les appelons des «païens». Et ces derniers étaient accueillis. Cette comprésence détermine des équilibres fragiles et précaires; et face aux difficultés apparaît la «zizanie», et quelle est la pire zizanie qui détruit une communauté? La zizanie du murmure, la zizanie du commérage: les Grecs murmurent à cause de l’inattention de la communauté à l’égard de leurs veuves.

Les apôtres commencent un processus de discernement qui consiste à bien évaluer les difficultés et à chercher ensemble des solutions. Ils trouvent une issue en partageant les diverses tâches en vue d’une croissance sereine de tout le corps ecclésial et pour éviter de négliger aussi bien la «course» de l’Evangile que le soin des membres les plus pauvres.

Les apôtres sont toujours plus conscients que leur vocation principale est la prière et la prédication de la Parole de Dieu: prier et annoncer l’Evangile; et ils résolvent la question en instituant un noyau de «sept hommes de bonne réputation, remplis de l’Esprit et de sagesse» (Ac 6, 3), qui, après avoir reçu l’imposition des mains, s’occuperont du service aux tables. Il s’agit des diacres qui sont créés pour cela, pour le service. Dans l’Eglise, le diacre n’est pas un prêtre en second, il est quelque chose d’autre; il n’est pas destiné à l’autel, mais au service. Il est le gardien du service dans l’Eglise. Quand un diacre aime trop être à l’autel, il est dans l’erreur. Cela n’est pas sa route. Cette harmonie entre le service de la Parole et le service de la charité représente le levain qui fait grandir le corps ecclésial.

Et les apôtres créent sept diacres, et parmi les sept «diacres», Etienne et Philippe se distinguent de manière particulière. Etienne évangélise avec force et parrhésie, mais sa parole rencontre les résistances les plus obstinées. Ne trouvant pas d’autre manière pour le faire désister, que font ses adversaires? Ils choisissent la solution la plus mesquine pour anéantir un être humain: c’est-à-dire la calomnie ou faux témoignage. Et nous savons que la calomnie tue toujours. Ce «cancer diabolique», qui naît de la volonté de détruire la réputation d’une personne, agresse également le reste du corps ecclésial et l’endommage gravement quand, à cause d’intérêts mesquins ou pour couvrir ses propres manquements, on se coalise pour traîner quelqu’un dans la boue.

Conduit devant le Sanhédrin et accusé par de faux témoins — ils avaient fait la même chose avec Jésus et ils feront la même chose avec tous les martyrs, au moyen de faux témoignages et de calomnies —, Etienne pour se défendre proclame une relecture de l’histoire sainte centrée sur le Christ. Et la Pâque de Jésus mort et ressuscité est la clé de toute l’histoire de l’alliance. Face à cette surabondance du don divin, Etienne dénonce courageusement l’hypocrisie avec laquelle les prophètes sont traités, ainsi que le Christ lui-même. Et il leur rappelle l’histoire en disant: «Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils point persécuté? Ils ont tué ceux qui prédisaient la venue du Juste, celui-là même que maintenant vous venez de trahir et d’assassiner» (Ac 7, 52). Il ne parle pas à demi-mots, mais avec des paroles claires, il dit la vérité.

Cela provoque la réaction violente des auditeurs, et Etienne est condamné à mort, condamné à la lapidation. Cependant, il manifeste la véritable «étoffe» du disciple du Christ. Il ne cherche pas des échappatoires, il ne fait pas appel à des personnalités qui peuvent le sauver, mais remet sa vie entre les mains du Seigneur et, à ce moment-là, la prière d’Etienne est très belle: «Seigneur Jésus, reçois mon esprit» (Ac 7, 59) — et il meurt en fils de Dieu en pardonnant: «Seigneur, ne leur impute pas ce péché» (Ac 7, 60).

Ces paroles d’Etienne nous enseignent que ce ne sont pas les beaux discours qui révèlent notre identité d’enfants de Dieu, mais que seuls l’abandon de sa propre vie entre les mains du Père et le pardon pour ceux qui nous offensent nous font voir la qualité de notre foi.

Aujourd’hui, il y a plus de martyrs qu’au début de la vie de l’Eglise, et les martyrs sont partout. L’Eglise d’aujourd’hui est riche de martyrs, elle est irriguée par leur sang qui est «semence de nouveaux chrétiens» (Tertullien, Apologétique, 50, 13) qui assure croissance et fécondité au peuple de Dieu. Les martyrs ne sont pas des «images pieuses», mais des hommes et des femmes en chair et en os, qui — comme le dit l’Apocalypse — «ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau» (7, 14). Ils sont les vrais vainqueurs.

Demandons nous aussi au Seigneur que, en regardant les martyrs d’hier et d’aujourd’hui, nous puissions apprendre à vivre une vie en plénitude, en accueillant le martyre de la fidélité quotidienne à l’Evangile et de la configuration au Christ.

 

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (9)

 

 

 

Chers frères et sœurs!

Après le martyre de saint Etienne, la «course» de la Parole de Dieu semble subir un temps d’arrêt, à cause du déchaînement d’«une violente persécution [...] contre l’Eglise de Jérusalem» (Ac 8, 1). A la suite de cela, les apôtres restent à Jérusalem, alors que de nombreux chrétiens se dispersent dans d’autres lieux de la Judée et de la Samarie.

Dans le livre des Actes, la persécution apparaît comme l’état permanent de la vie des disciples, en accord avec ce qu’a dit Jésus: «S’ils m’ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront» (Jn 15, 20). Mais la persécution, au lieu d’éteindre le feu de l’évangélisation, le nourrit encore davantage.

Nous avons entendu ce qu’a fait le diacre Philippe qui commence à évangéliser les villes de Samarie, et les signes de libération et de guérison qui accompagnent l’annonce de la Parole sont nombreux. Dès lors, l’Esprit Saint marque une nouvelle étape du voyage de l’Evangile: il pousse Philippe à aller à la rencontre d’un étranger au cœur ouvert à Dieu. Philippe se lève et part avec ardeur et, sur une route déserte et dangereuse, il rencontre un haut fonctionnaire de la reine d’Ethiopie, administrateur de ses trésors. Cet homme, un eunuque, après avoir été à Jérusalem pour le culte, est en train de revenir dans son pays. C’était un prosélyte juif de l’Ethiopie. Assis sur son char, il lit le rouleau du prophète Isaïe, en particulier le quatrième chant du «serviteur du Seigneur».

Philippe s’approche du char et lui demande: «Comprends-tu donc ce que tu lis?» (Ac 8, 30). L’Ethiopien répond: «Et comment le pourrais-je si personne ne me guide?» (Ac 8, 31). Cet homme puissant reconnaît avoir besoin d’être guidé pour comprendre la Parole de Dieu. C’était un grand banquier, il était ministre de l’économie, il avait tout le pouvoir de l’argent, mais il savait que sans l’explication il ne pouvait pas comprendre, il était humble.

Et ce dialogue entre Philippe et l’Ethiopien fait réfléchir également sur le fait qu’il ne suffit pas de lire l’Ecriture, il faut en comprendre le sens, trouver le «suc» en allant au-delà de l’«écorce», puiser l’Esprit qui anime la lettre. Comme le dit le Pape Benoît au début du synode sur la Parole de Dieu, «l’exégèse, la vraie lecture de l’Ecriture Sainte, n’est pas seulement un phénomène littéraire […]. Elle est le mouvement de mon existence» (Méditation, 6 octobre 2008). Entrer dans la Parole de Dieu, c’est être disposé à sortir de ses propres limites pour rencontrer Dieu et se configurer au Christ qui est la Parole vivante du Père.

Qui est donc le protagoniste de ce que lisait l’Ethiopien? Philippe offre la clé de lecture à son interlocuteur: ce serviteur doux qui souffre, qui ne réagit pas au mal par le mal et qui, bien que considéré comme un perdant stérile qu’on élimine à la fin, libère le peuple de l’iniquité et porte du fruit pour Dieu, est précisément ce Christ que Philippe et toute l’Eglise annoncent! Qui avec la Pâque nous a tous rachetés. Finalement, l’Ethiopien reconnaît le Christ et demande le baptême et professe la foi dans le Seigneur Jésus. Ce récit est beau, mais qui a poussé Philippe à aller dans le désert pour rencontrer cet homme? Qui a poussé Philippe à s’approcher du char? C’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est le protagoniste de l’évangélisation. «Père, je vais évangéliser» — «Oui, que fais-tu?» — «Ah, j’annonce l’Evangile et je cherche à convaincre les gens que Jésus est Dieu». Mon cher, cela n’est pas de l’évangélisation; s’il n’y a pas l’Esprit Saint, il n’y a pas d’évangélisation. Cela peut être du prosélytisme, de la publicité… Mais l’évangélisation, c’est te laisser guider par l’Esprit Saint, que ce soit Lui qui te pousse à l’annonce, à l’annonce par le témoignage, également par le martyre, également par la parole.

Après avoir fait rencontrer l’Ethiopien et le Ressuscité — l’Ethiopien rencontre Jésus ressuscité parce qu’il comprend cette prophétie —, Philippe disparaît, l’Esprit le prend et l’envoie faire une autre chose. J’ai dit que le protagoniste de l’évangélisation est l’Esprit Saint et quel est le signe que toi chrétienne, chrétien, tu es un évangélisateur? La joie. Même dans le martyre. Et Philippe, plein de joie, alla ailleurs prêcher l’Evangile.

Que l’Esprit fasse des baptisés, des hommes et des femmes qui annoncent l’Evangile pour attirer les autres non pas à eux, mais au Christ, qui savent faire place à l’action de Dieu, qui savent rendre les autres libres et responsables face au Seigneur.

 

 

Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (10)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

A partir de l’épisode de la lapidation d’Etienne, apparaît une figure qui, à côté de celle de Pierre, est la plus présente et incisive dans les Actes des apôtres: celle d’un «jeune homme appelé Saul» (Ac 7, 58). Il est décrit au début comme quelqu’un qui approuve la mort d’Etienne et qui «veut détruire l’Eglise» (cf. Ac 8, 3); mais il deviendra ensuite l’instrument choisi par Dieu pour annoncer l’Evangile aux nations (cf. Ac 9, 15; 22, 21; 26, 17).

Avec l’autorisation du prêtre suprême, Saul pourchasse les chrétiens et les capture. Vous, qui provenez de certains peuples qui ont été persécutés par les dictatures, vous comprenez bien ce que signifie donner la chasse aux gens et les capturer. C’est ce que faisait Saul. Et il le fait en pensant servir la Loi du Seigneur. Luc dit que Saul «respirait» «menaces et carnage à l'égard des disciples du Seigneur» (Ac 9, 1): il y avait en lui un souffle de mort, pas de vie

Le jeune Saul est représenté comme étant intransigeant, c’est-à-dire quelqu’un qui fait preuve d’intolérance à l’égard de ceux qui n’ont pas la même opinion que lui, il absolutise son identité politique ou religieuse et réduit l’autre à un ennemi potentiel à combattre. Un idéologue. Chez Saul, la religion s’était transformée en idéologie: une idéologie religieuse, une idéologie sociale, une idéologie politique. Ce n’est qu’après avoir été transformé par le Christ, qu’il enseignera que le véritable combat «n’est pas contre des adversaires de sang et de chair, mais contre [...] les régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal» (Eph 6, 12). Il enseignera qu’il ne faut pas combattre les personnes, mais le mal qui inspire leurs actions.

La condition de colère — parce que Saul était coléreux — et conflictuelle de Saul invite chacun à s’interroger: comment est-ce que je vis ma vie de foi? Est-ce que je vais à la rencontre des autres, ou bien est-ce que je suis contre les autres? Est-ce que j’appartiens à l’Eglise universelle (bons et méchants, tous) ou bien est-ce que j’ai une idéologie sélective? Est-ce que j’adore Dieu ou est-ce que j’adore les formules dogmatiques? Comment est ma vie religieuse? La foi en Dieu que je professe me rend-elle amical ou hostile envers celui qui est différent de moi?

Luc rapporte que, tandis que Saul est absorbé par la tâche de déraciner la communauté chrétienne, le Seigneur est sur ses traces pour toucher son cœur et le convertir à lui. C’est la méthode du Seigneur: il touche le cœur. Le Ressuscité prend l’initiative et se manifeste à Saul sur le chemin de Damas, un événement qui est rapporté pas moins de trois fois dans le Livre des Actes (cf. Ac 9, 3-19; 22, 3-21; 26, 4-23). A travers le binôme «lumière» et «voix», typique des théophanies, le Ressuscité apparaît à Saul et lui demande des comptes de sa furie fratricide: «Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?» (Ac 9, 4). Ici, le Ressucité montre qu’il est une seule chose avec ceux qui croient en Lui: frapper un membre de l’Eglise signifie frapper le Christ lui-même! Même ceux qui sont idéologues parce qu’ils veulent la «pureté» — entre guillemets — de l’Eglise, frappent le Christ.

La voix de Jésus dit à Saul: «Relève-toi, entre dans la ville, et l’on te dira ce que tu dois faire» (Ac 9, 6). Mais une fois debout, Saul ne voit plus rien, il est devenu aveugle et, d’homme fort, faisant autorité et indépendant, il devient faible, nécessiteux et dépendant des autres, parce qu’il ne voit pas. La lumière du Christ l’a ébloui et l’a rendu aveugle: «Il apparaît ainsi extérieurement ce qui était sa réalité intérieure, sa cécité à l'égard de la vérité, de la lumière qu'est le Christ» (Benoît XVI, Audience générale, 3 septembre 2008).

Ce «corps à corps» entre Saul et le Ressuscité donne naissance à une transformation qui montre la «pâque personnelle» de Saul, son passage de la mort à la vie: ce qui auparavant était gloire devient «déchet» à jeter pour acquérir le vrai gain qu’est le Christ et la vie en Lui (cf. Ph 3, 7-8).

Paul reçoit le baptême. Le baptême marque ainsi pour Saul, comme pour chacun de nous, le début d’une vie nouvelle, et il est accompagné d’un regard nouveau sur Dieu, sur soi-même et sur les autres qui, d’ennemis, deviennent désormais frères dans le Christ.

Demandons au Père qu’à nous aussi, comme à Saul, il fasse faire l’expérience de l’impact avec son amour qui seul peut faire d’un cœur de pierre un cœur de chair (cf. Ez 11, 15), capable d’accueillir en lui «les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus» (Ph 2, 5).

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (11)

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Le voyage de l’Evangile dans le monde, que saint Luc raconte dans les Actes des apôtres, est accompagné par la plus haute créativité de Dieu qui se manifeste de manière surprenante. Dieu veut que ses enfants dépassent tout particularisme pour s’ouvrir à l’universalité du salut. Tel est le but: dépasser les particularismes et s’ouvrir à l’universalité du salut, car Dieu veut sauver tout le monde. Ceux qui sont renés de l’eau et de l’Esprit — les baptisés — sont appelés à sortir d’eux-mêmes et à s’ouvrir aux autres, à vivre la proximité, le style de la vie ensemble, qui transforme toute relation interpersonnelle en une expérience de fraternité (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 87).

Pierre, protagoniste des Actes des apôtres avec Paul, est le témoin de ce processus de «fraternisation» que l’Esprit veut amorcer dans l’histoire. Pierre vit un événement qui marque un tournant décisif dans son existence. Alors qu’il est en prière, il reçoit une vision qui sert de «provocation» divine, pour susciter en lui un changement de mentalité. Il voit une grande nappe qui descend du ciel, contenant divers animaux: des quadrupèdes, des reptiles et des oiseaux, et il entend une voix qui l’invite à se nourrir de ces viandes. En bon juif, il réagit en soutenant qu’il n’a jamais rien mangé d’impur, comme le demande la Loi du Seigneur (cf. Lv 11). La voix réplique avec force: «Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé» (Ac 10, 15).

Par ce fait, le Seigneur veut que Pierre n’évalue plus les événements et les personnes selon les catégories du pur et de l’impur, mais qu’il apprenne à aller au-delà, pour regarder la personne et les intentions de son cœur. En effet, ce qui rend l’homme impur ne vient pas de l’extérieur, mais seulement de l’intérieur, du cœur (cf. Mc 7, 21). Jésus l’a dit clairement.

Après cette vision, Dieu envoie Pierre chez un étranger non circoncis, Corneille, «centurion de la cohorte Italique […] pieux et craignant Dieu», qui fait beaucoup l’aumône au peuple et prie toujours Dieu (cf. Ac 10, 1-2), mais il n’était pas juif.

Dans cette maison de païens, Pierre prêche le Christ crucifié et ressuscité et le pardon des péchés à quiconque croit en Lui. Et alors que Pierre parle, l’Esprit Saint descend sur Corneille et sa famille. Et Pierre les baptise au nom de Jésus Christ (cf. Ac 10, 48).

Ce fait extraordinaire — c’est la première fois que quelque chose de ce genre se produit — est appris à Jérusalem, où les frères, scandalisés par le comportement de Pierre, lui font d’âpres reproches (cf. Ac 11, 1-3). Pierre a fait quelque chose qui allait au-delà de l’habitude, au-delà de la loi, et c’est pourquoi ils lui font des reproches. Mais après la rencontre avec Corneille, Pierre est plus libre de lui-même et plus en communion avec Dieu et avec les autres, car il a vu la volonté de Dieu dans l’action de l’Esprit Saint. Il peut donc comprendre que l’élection d’Israël n’est pas la récompense pour des mérites, mais le signe de l’appel gratuit à être la médiation de la bénédiction divine parmi les peuples païens.

Chers frères, nous apprenons du prince des apôtres qu’un évangélisateur ne peut pas être un obstacle à l’œuvre créatrice de Dieu, qui «veut que tous les hommes soient sauvés» (1 Tm 2, 4), mais quelqu’un qui favorise la rencontre des cœurs avec le Seigneur. Et nous, comment nous comportons-nous avec nos frères, en particulier avec ceux qui ne sont pas chrétiens? Sommes-nous un obstacle à la rencontre avec Dieu? Faisons-nous obstacle à leur rencontre avec le Père ou la facilitons-nous?

Demandons aujourd’hui la grâce de nous laisser étonner par les surprises de Dieu, de ne pas faire obstacle à sa créativité, mais de reconnaître et favoriser les voies toujours nouvelles à travers lesquelles le Ressuscité diffuse son Esprit dans le monde et attire les cœurs en se faisant connaître comme le «Seigneur de tous» (Ac 10, 36). Merci.

 

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (12)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Le livre des Actes des apôtres raconte que saint Paul, après cette rencontre transformatrice avec Jésus, est accueilli par l’Eglise de Jérusalem grâce à la médiation de Barnabé et commence à annoncer le Christ. Cependant, à cause de l’hostilité de certains, il est obligé de s’inStaller à Tarse, sa ville natale, où Barnabé le rejoint pour le faire participer au long voyage de la Parole de Dieu. On peut dire que le livre des Actes des apôtres, que nous commentons dans ces catéchèses, est le livre du long voyage de la Parole de Dieu: la Parole de Dieu doit être annoncée, et annoncée partout. Ce voyage commence à la suite d’une forte persécution (cf. Ac 11, 19); mais celle-ci, au lieu de provoquer un temps d’arrêt à l’évangélisation, devient une opportunité pour élargir le champ où répandre la bonne semence de la Parole. Les chrétiens ne s’effraient pas. Ils doivent fuir, mais ils fuient avec la Parole, et ils répandent la Parole un peu partout.

Paul et Barnabé arrivent d’abord à Antioche de Syrie, où ils s’arrêtent une année entière pour enseigner et aider la communauté à planter ses racines (cf. Ac 11, 26). Ils annonçaient à la communauté hébraïque, aux juifs. Antioche devient ainsi le centre de propulsion missionnaire, grâce à la prédication avec laquelle les deux évangélisateurs — Paul et Barnabé — marquent le cœur des croyants, qui là-bas, à Antioche, sont appelés pour la première fois «chrétiens» (cf. Ac 11, 26).

Le Livre des Actes fait ressortir la nature de l’Eglise, qui n’est pas une forteresse, mais une tente capable d’élargir son espace (cf. Is 54, 2) et de laisser libre accès à tous. L’Eglise est «en sortie», ou bien elle n’est pas Eglise; elle est en chemin en élargissant toujours son espace, ou bien elle n’est pas Eglise. «Une Eglise avec les portes ouvertes» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 46), toujours avec les portes ouvertes. Quand je vois certaines petites églises ici, dans cette ville, ou quand je les voyais dans l’autre diocèse dont je viens, avec les portes fermées, c’est un mauvais signe. Les églises doivent toujours avoir les portes ouvertes, car c’est le symbole de ce qu’est une église: toujours ouverte. L’Eglise est «appelée à être toujours la maison ouverte du Père. [...] De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close» (ibid., n. 47).

Mais cette nouveauté des portes ouvertes à qui? Aux païens, car les apôtres prêchaient aux juifs, mais les païens sont venus eux aussi frapper à la porte de l’Eglise; et cette nouveauté des portes ouvertes aux païens déchaîne une controverse très animée. Certains juifs affirment la nécessité de devenir juifs au moyen de la circoncision pour se sauver, et ensuite recevoir le baptême. Il disent: «Si vous ne vous faites pas circoncire suivant l’usage qui vient de Moïse, vous ne pouvez être sauvés» (Ac 15, 1), c’est-à-dire vous ne pouvez pas ensuite recevoir le baptême. D’abord le rite juif et ensuite le baptême: c’était leur position. Et pour résoudre la question, Paul et Barnabé consultent le conseil des apôtres et des anciens à Jérusalem, et a lieu ce qui est considéré comme le premier concile de l’histoire de l’Eglise, appelé le concile ou assemblée de Jérusalem, auquel Paul fait référence dans la Lettre aux Galates (2, 1-10).

Une question théologique, spirituelle et disciplinaire très délicate est affrontée: c’est-à-dire le rapport entre la foi dans le Christ et l’observance de la Loi de Moïse. Les discours de Pierre et Jacques, «piliers» de l’Eglise-mère (cf. Ac 15, 7-21; Ga 2, 9) sont décisifs au cours de l’assemblée. Ils invitent à ne pas imposer la circoncision aux païens, mais à leur demander seulement de rejeter l’idolâtrie et toutes ses expressions. De la discussion naît le chemin commun, et cette décision est ratifiée par la lettre apostolique envoyée à Antioche.

L’assemblée de Jérusalem nous offre une lumière importante sur les modalités selon lesquelles affronter les divergences et rechercher la «vérité dans la charité» (Ep 4, 15). Elle nous rappelle que la méthode ecclésiale pour la résolution des conflits se base sur le dialogue fait d’écoute attentive et patiente et sur le discernement accompli à la lumière de l’Esprit. En effet, c’est l’Esprit qui aide à dépasser les fermetures et les tensions et qui travaille dans les cœurs pour qu’ils parviennent, dans la vérité et dans le bien, à l’unité. Ce texte nous aide à comprendre la synodalité. Il est intéressant de voir comment ils rédigent la lettre: les apôtres commencent en disant: «L’Esprit Saint et nous pensons que…». C’est précisément la synodalité, la présence de l’Esprit Saint, autrement ce n’est pas la synodalité, c’est un parloir, un parlement, autre chose…

Demandons au Seigneur de renforcer chez tous les chrétiens, en particulier chez les évêques et chez les prêtres, le désir et la responsabilité de la communion. Qu’il nous aide à vivre le dialogue, l’écoute et la rencontre avec nos frères dans la foi et ceux qui sont loin, pour goûter et manifester la fécondité de l’Eglise, appelée à être à chaque époque la «mère joyeuse» de nombreux enfants (cf. Ps 113, 9).

 

 Catéchèse du pape François sur les Actes des Apôtres (13)

 

 

 

Chers frères et sœurs, bonjour!

En lisant les Actes des apôtres, on voit que l’Esprit Saint est le protagoniste de la mission de l’Eglise; c’est Lui qui guide le chemin des évangélisateurs en leur montrant la voie à suivre.

Nous le voyons clairement au moment où l’apôtre Paul, arrivé à Troas, a une vision. Un Macédonien le supplie: «Passe en Macédoine, viens à notre secours!» (Ac 16, 9). Le peuple de Macédoine du Nord est fier de cela, il est si fier d’avoir appelé Paul afin que ce soit Paul qui annonce Jésus Christ. Je me souviens bien de ce beau peuple qui m’a accueilli avec tant de chaleur: qu’ils conservent cette foi que Paul leur a prêchée! L’apôtre n’a pas hésité et part pour la Macédoine, certain que c’est précisément Dieu qui l’envoie, et arrive à Philippes, «colonie romaine» (Ac 16, 12) sur la voie égnatienne, pour prêcher l’Evangile. Paul s’y arrête pendant plusieurs jours. Trois événements caractérisent son séjour à Philippes, pendant ces trois jours: trois événements importants. 1) L’évangélisation et le baptême de Lydie et de sa famille; 2) Son arrestation, avec Silas, après avoir exorcisé une esclave exploitée par ses maîtres; 3) La conversion et le baptême de son geôlier et de sa famille. Nous voyons ces trois épisodes dans la vie de Paul.

La puissance de l’Evangile s’adresse avant tout aux femmes de Philippes, en particulier à Lydie, négociante en pourpre, de la ville de Thyatire, une croyante en Dieu à laquelle le Seigneur ouvre le cœur «de sorte qu’elle s’attacha aux paroles de Paul» (Ac 16, 4). En effet, Lydie accueille le Christ, reçoit le baptême avec sa famille et accueille ceux qui sont du Christ, en offrant l’hospitalité à Paul et Silas dans sa maison. Nous avons ici le témoignage de l’arrivée du christianisme en Europe: le début d’un processus d’inculturation qui dure encore aujourd’hui. Il est entré par la Macédoine.

Après la chaleur expérimentée dans la maison de Lydie, Paul et Silas doivent ensuite affronter la dureté de la prison: ils passent de la consolation de cette conversion de Lydie et de sa famille, à la désolation de la prison, où ils sont jetés pour avoir libéré au nom de Jésus «une servante qui avait un esprit divinateur» et «faisait gagner beaucoup d’argent à ses maîtres» en rendant des oracles (Ac 16, 16). Ses maîtres gagnaient beaucoup d’argent et cette pauvre esclave faisaient ce que font les devins: elle devinait l’avenir, elle lisait dans les mains — comme le dit la chanson, «prends ma main, gitane» — et les gens payaient pour cela. Aujourd’hui aussi, chers frères et sœurs, il y a des gens qui paient pour cela. Je me souviens dans mon diocèse, dans un très grand parc, il y avait plus de 60 chaises où étaient assis des devins hommes et femmes qui lisaient la main et les gens croyaient à ces choses! Et ils payaient. Et cela arrivait aussi à l’époque de saint Paul. Ses maîtres, par rétorsion, dénoncent Paul et conduisent les apôtres devant les magistrats, les accusant de désordre public.

Mais que se passe-t-il? Paul est en prison mais au cours de sa détention, survient un fait surprenant. Il est dans la désolation, mais au lieu de se lamenter, Paul et Silas entonnent une louange à Dieu et de cette louange s’échappe une puissance qui les libère: au cours de la prière, un tremblement de terre secoue les fondements de la prison, les portes s’ouvrent et les liens de tous les prisonniers se détachent (cf. Ac 16, 25-26). Comme la prière de la Pentecôte, celle faite en prison provoque aussi des effets prodigieux.

Le geôlier, croyant que les prisonniers se sont enfuis, était sur le point de se tuer, parce que les geôliers payaient de leur vie si un prisonnier s’évadait, mais Paul lui crie: «Nous sommes tous ici!» (Ac 16, 27-28). Celui-ci demande alors: «Que me faut-il faire pour être sauvé? (v. 30). La réponse est: «Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et les tiens» (v. 31). A ce moment a lieu le changement: au cœur de la nuit, le geôlier écoute la parole du Seigneur avec sa famille, accueille les apôtres, lave leurs blessures — parce qu’ils avaient été battus — et avec les siens, reçoit le baptême; puis, «il se réjouit avec tous les siens d’avoir cru en Dieu» (v. 34), dresse la table et invite Paul et Silas à rester avec eux: le moment de la consolation! Au cœur de la nuit de cette prison anonyme, la lumière du Christ brille et vainc les ténèbres: les chaînes du cœur tombent et s'élève en lui et en sa famille une joie jamais éprouvée. C’est ainsi que l’Esprit Saint accomplit la mission: depuis le début, à partir de la Pentecôte, c’est Lui le protagoniste de la mission. Et il nous fait aller de l’avant, il faut être fidèles à la vocation que l’Esprit nous pousse à accomplir. Pour apporter l’Evangile.

Demandons nous aussi aujourd’hui à l’Esprit Saint un cœur ouvert, sensible à Dieu et accueillant envers nos frères, comme celui de Lydie, et une foi audacieuse, comme celle de Paul et de Silas, et également une ouverture de cœur comme celle du geôlier, qui se laisse toucher par l’Esprit Saint.

 

Partager cet article
Repost0
Published by paroisse du Raincy - dans Catéchèse pour tous

Présentation

  • : Le blog de la paroisse du Raincy
  • : Pour connaître l'actualité de la Paroisse du Raincy, des équipes, des mouvements, les horaires des Messes, pour consulter le Messager en ligne etc ...
  • Contact

Recherche

Liens